dimanche 15 mai 2011

Parole libre est accordée au professeur Ayayi Apedo-Amah


Pr Ayayi Apedo-Amah, enseignant chercheur à l'université de Lomé, département des Lettres modernes où il enseigne le théâtre et la littérature. 
Il a animé le séminaire sur la production théâtrale au Niger.

De ses rapports avec la culture...

Mes rapports avec la culture sont consubstantielle, puisque nous sommes dans la culture, nous vivons en nous exprimant à travers la culture, à travers une ou des langues qui expriment des cultures, une vision du monde etc. Par rapport à cela je me suis toujours battu pour donner toute sa place à la culture dans nos pays où elle est négligée parce que les gouvernants estiment qu'elle n'est pas une priorité. Donc par rapport à tout cela, ce vide créé sciemment par nos gouvernants nous amène à un déficit. Quand on observe l'Afrique sur le terrain de la culture et la place de l'Afrique dans le monde, qui est la dernière, on constate un déficit de la pensée. Il y a le règne de l'aliénation.
La colonisation continue sous d'autres formes et tout ça parce que justement la culture n'a pas la place qu'il faut dans nos sociétés. je disais lors du séminaire que si on prend nos sociétés, il n'y a que les noms arabes dans les pays musulmans, que des noms européens dans les pays christianisés. Nous ne prenons plus nos noms traditionnels, les noms propres à nos cultures, par aliénation, par honte. Ceci est très grave dans la mesure où le nom, c'est l'identité. Le nom dit votre origine. Le nom dit ce que vous êtes. Le nom est la résultante d'une langue et de certaines croyances. C'est un legs des ancêtres, un legs du patrimoine, de l'histoire. Et si nous nions tout cela, nous nions ce que nous sommes et nous confortons l'aliénation coloniale. Il est important que nous ôtions les chaînes de l'esclavage. Avant, on avait ces chaînes aux mains et aux pieds. Mais aujourd'hui ces chaînes sont dans notre tête.
C'est en brisant ces chaînes -là qu'on va pouvoir penser au développement de l'Afrique, à l'épanouissement de l'Africain. Il faut que l'homme Africain puisse se libérer des modèles étrangers dont il est esclave qui l'enchaînent. Il faut que l'homme Africain arrive à penser, à avoir une vision propre à sa société et sur sa société pour concevoir son développement.  


De ses rapports avec le théâtre...

Mes rapports avec la théâtre, viennent du fait que le théâtre est la spécialité que je me suis donnée dans mes études. j'ai fait des études de théâtre et c'est ce que j'enseigne. J'enseigne entres autres la littérature africaine, la communication etc. Le théâtre est une spécialité. C'est un art que j'aime et que j'aime voir pratiquer. J'ai même écrit quelques pièces de théâtre que je n'ai pas encore mises devant un public, mais ça viendra certainement. C'est pour toutes ces raisons que je fréquente les salles de théâtre, les festivals de th éâtre et que j'encourage les jeunes qui veulent s'adonner à cet art. On me soumet beaucoup de manuscrits à lire ; on sollicite mes conseils que je donne volontiers pour que cet art puisse émerger et faire vivre ses pratiquants.  

Son point de vue sur l'identité culturelle...

Pour aborder la question de l'identité culturelle, il faut considérer la situation socio économique de l'Afrique et l'histoire de l'Afrique. Nous sommes des sociétés dominées et par rapport à cette question de la domination, nous savons que les dominés eux même entretiennent la domination après le départ du dominant. Par rapport à cette triste réalité,notre identité culturelle doit être pensée parce qu'il faut produire, il faut créer. Lorqu'il y a un vide culturel, lorsque notre imaginaire est nourri par des gens étrangers à l'Afrique, cela ne fait qu'accroitre l'aliénation. Il faut que nos médias audio visuels soient occupés par des créations africaines et non pas seulement par des télé films Bréziliens, etc .
L'Afrique donc doit se donner à voir à l'Afrique et non pas donner à l'étranger et les modèles étrangers ou à la mode. Même les noms qu'on prend sont ceux des vedettes pour les donner aux enfants. L'immoralité qui transparaît dans certains films, nos jeunes aujourd'hui croient que c'est là un modèle à copier, à suivre. Par rapport à tout cela, l'identité culturelle est très importante pour apprendre aux africains à ne pas avoir honte de leur culture. A ne pas avoir honte de porter leurs noms nationaux plutôt que des noms arabes ou européens. Cela est très important.
L'Etat doit faire un travail pédagogique à ce niveau pour que les gens perdent leur complexe. Vous savez dans de nombreux pays occidentaux il est interdit de porter des noms étrangers. C'est contre la loi et on va vous dire que vous portez atteinte à la culture nationale. Alors que l'Afrique est un moulin à vent où tout est permis. Surtout cela nous désavantage, et il faut que nous en soyons conscients.  

De la diversité culturelle...

Pour parler de la diversité culturelle, nos pays sont eux même des modèles de diversité culturelle étant donné qu'ils sont des pays multi ou pluri ethniques. Mais hélas on porte souvent atteinte à cette réalité par le biais de la politique lorsqu'on fait du tribalisme. Le tribalisme est la politique de la tribu qui lèse les autres tribus puisque c'est le partage inégal des richesses de la nation avec lesquelles on fait profiter eeulement une couche de la nation au détriment des autres, ce qui a pour conséquence de créer justement tous les problèmes que nous connaissons en Afrique.
La diversité culturelle, nous devons l'accepter, l'intégrer dans nos modes de gouvernement parce que c'est elle qui va fonder les nations africaines de demain. Aujourd'hui, en Afrique, l'on n'a pas de nation ; il n'y a que des pseudo Etats néo coloniaux. La nation n'existe toujours pas parce que les gens se sentent aujourd'hui haoussa, zarma, ashanti etc avant d'être de tel ou tel pays. Il y a par rapport à cela un travail de conscientisation à faire, et il faut que l'Afrique entame véritablement son développement à travers une vision politique de ce que nous voudrions que soit l'Afrique, sinon nous resterons sans développement. Tant que nous demeurerons subjugués, dépendant des autres, c'est les autres qui décideront pour nous. Il est temps que nos chefs d'Etat cessent d'être des mendiants en costumes 3 pièces, sinon nous serons toujours à la traine des wagons. Il faut que nous aussi nous devenions des locomotives pour que nous conduisions nos peuples à bon port. Et ce port là est celui du développement à travers les emplois, les soins, de quoi manger, et de la liberté .

Propos recueillis par Bello Marka

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